[RETRO-TEST] Silent Hill 4 : The Room : Confinement virtuel

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Greed Lavare
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[RETRO-TEST] Silent Hill 4 : The Room : Confinement virtuel

Message par Greed Lavare »

Rester enfermer. Voilà une situation qui angoisse certains esprits depuis la venue d'un énième confinement suite à la propagation du coronavirus à travers le monde entier. Il se trouve que ce sentiment d'enfermement et l'idée même de confiner virtuellement un joueur ont déjà été explorés en 2004 dans Silent Hill 4 : The Room, quatrième épisode de la célèbre franchise de Konami qu'on ne présente plus et dont une suite se fait impatiemment attendre depuis des années. Paru sur PlayStation 2 (plateforme sur laquelle notre rétro-test se repose), Xbox première du nom et PC Windows le 17 septembre 2004 en Europe, Silent Hill 4 : The Room est le dernier épisode de la série à avoir été développé par Team Silent et le premier (et le seul) à avoir été produit par Akira Yamaoka, compositeur phare de la franchise qui, en plus de son importance dans le développement de cet opus, s'occupe de sa bande-son. Avec son thème contemporain et ses problématiques existentielles, que vaut Silent Hill 4 : The Room aujourd'hui, presque dix-sept ans après sa sortie initiale ?



 




Afin de mieux comprendre le scénario du jeu à l'aspect parfois cryptique, il suffit d'écouter les paroles des chansons qui dissimulent de nombreux indices et autres clefs d'interprétation.



 









Nota Bene : Les images illustrant ce rétro-test n'ont pas été capturées par le rédacteur mais ont été piochées sur le site silenthill.fandom.com. La chanson "Room of Angel" disponible ci-dessus en lecture automatique est la vidéo YouTube officielle partagée par Akira Yamaoka sur sa chaîne.


 



 



Welcome to 302



 



Depuis plusieurs jours, Henry Townshend fait d'horribles cauchemars dans lesquels il se retrouve cloîtré dans son appartement en compagnie d'un fantôme peu amical. Après une cinquième nuit agitée, Henry découvre une porte d'entrée enchaînée et cadenassée, des fenêtres impossibles à déverrouiller dévoilant un monde extérieur animé qui ne semble ni l'entendre ni le voir, ainsi qu'un énorme trou béant dans le mur de sa salle de bains. Prisonnier de l'appartement 302, Henry n'a plus le choix : pour sortir de ce cauchemar éveillé, il doit emprunter ce tunnel étrange apparu dans la salle d'eau.



 



En traversant le portail surnaturel, il tombe dans un inquiétant monde parrallèle où il rencontre des créatures monstrueuses, des fantômes hostiles défiant les lois de la physique et des personnes vouées à être assassinée dans un processus étrangement semblable à celui d'un défunt tueur en série. À chaque nouvel assassinat, Henry rentre chez lui, comme sorti d'un mauvais songe, et reçoit des morceaux de papier rouges sous sa porte qui, progressivement, l'aident à trouver un sens à ces meurtres et à cette emprise maléfique qui s'empare de l'appartement 302. Tous ces mystères incitent Henry à emprunter à nouveau le portail pour y découvrir de nouveaux lieux – de nouveaux mondes.



 





Superbement modélisés, les différents personnages rencontrés ne font généralement pas long feu... De quoi inquiéter et interroger.



 



Se déroulant loin de la ville touristique de Silent Hill, Silent Hill 4 : The Room propose une histoire à part qui ne rechigne pas son héritage. Très bien ficelé et intrigant de bout en bout, le scénario du jeu est plus proche du polar que du thriller psychologique, offrant à cet épisode une distinction immédiate et appréciable auprès de ses prédécesseurs. Généralement bien pensée, cette nouvelle approche scénaristique est épaulée par une direction artistique quasi parfaite et des graphismes époustouflants (même si on dénotera des animations manquant clairement de souplesse et un aliasing très présent dans l'appartement 302).



 





Le joueur parcourt l'appartement 302 à la première personne – une nouveauté dans la série qui renforce à merveille les sentiments d'angoisse et d'étouffement.



 



L'atmosphère du jeu est oppressante et son ambiance dérangeante, notamment grâce à une bande-son assurée par un Akira Yamaoka motivé. De cet aspect, on peut toutefois regretter un mixage des voix parfois un peu aléatoire et un voice acting assez déplorable tant les personnages manquent d'intonation dans leur voix – bien que l'on puisse justifier cela comme un choix artistique (si c'en est un) afin de prononcer le décalage entre les personnages et leur propre réalité.





On peut également pointer du doigt les bruits que font certains ennemis lorsqu'on les attaque, comme l'unique et surprenant rot que répètent les infirmières du monde de l'hôpital lorsque Henry les frappe avec une arme de corps à corps. Rien de grave en somme si ce n'est la provocation d'un autre décalage (sans justification artistique cette fois-ci) qui fait souffler du nez.



 



 



Une brèche trop exposée



 



Lors des phases d'exploration, de combat et d'énigmes, le joueur déplace Henry à la troisième personne à l'instar des précédents Silent Hill, mais on dispose dans cet épisode d'un HUD épuré comprenant une barre de santé qui apparaît lors des affrontements et une jauge de force en forme de cercle qui, en la chargeant en maintenant le bouton d'attaque enfoncé, permet d'effectuer des coups puissants. Avec l'ajout de lentes esquives sur les côtés, d'un inventaire visible in-game en bas de l'écran et des objets uniquement utilisables en temps réel (équipements, consommables, clefs...), les combats sont plus dynamiques qu'auparavant.



 





Certaines armes, comme les clubs de golf, cèdent après une utilisation intensive. Même brisées, elles continuent de prendre un emplacement dans l'inventaire.



 



Malheureusement, malgré cette bonne idée de dynamiser le jeu avec l'utilisation rapide et facile de l'inventaire afin de rendre les décisions du joueur plus spontanées face au danger, c'est ce même inventaire qui arrivera à briser le rythme du jeu à plusieurs reprises au prix parfois de la frustration du joueur. Effectivement, Henry ne peut transporter qu'un maximum de dix objets, qu'importe leur taille ou leur poids (une clef prend autant de place dans l'inventaire qu'un club de golf). Il est impossible de jeter un item sur les sols couverts de rouille et de sang, ni d'échanger un objet contre un autre : les seuls moyens de remédier à ce manque d'espace sont l'utilisation pure et simple de ces objets (en vidant le chargeur de son arme à feu par exemple), ou bien l'emprunt de l'un des nombreux tunnels dispatchés dans les différents mondes afin de rentrer à l'appartement et ranger ses objets dans un coffre.



 



L'acquisition d'objets inutiles étant aisée dans la première partie du jeu (les items de soin pullulent et servent peu puisque rentrer chez soi permet de régénérer intégralement sa santé) et le passage d'un monde parrallèle au 302 étant entrecoupé de courtes cinématiques et d'écrans de chargement, on se retrouve rapidement à faire des provisions gigantesques et des allers-retours incessants et pénibles.



 





Il n'y a pas de véritable boss à affronter dans Silent Hill 4 : The Room, mais les fantômes servent d'antagonistes immortels qui poursuivent Henry à travers plusieurs zones d'un monde. Suite à un combat acharné, on peut les neutraliser une bonne fois pour toute en leur plantant un sabre sacré dans le thorax. Inutile de dire que ces artéfacts sont rares et précieux.



 



Revenir chez soi permet cependant d'espionner ses voisins (en regardant par les fenêtres de l'appartement, l'œilleton de la porte d'entrée ou par d'autres orifices qui se forment parfois) et d'assister à des scènes bonus mais essentielles pour mieux connaître les autres personnages – sans pour autant créer de l'empathie pour eux – et saisir davantage l'expérience de Silent Hill 4. En se faisant, on se retrouve dans une position dérangeante où l'on ne fait que jeter des coups d'oeil presque maladifs sur le monde extérieur en s'immiscant dans le quotidien des autres, et principalement celui de la ravissante voisine d'Henry : Eileen Galvin. C'est d'ailleurs cette même voisine qui fera montre d'une importance scénaristique dans toute la deuxième moitié du jeu. Il est désormais difficile de ne pas spoiler davantage Silent Hill 4, et particulièrement cette seconde partie du jeu tant de nombreux soucis y sont présents.



 



 



Je suis rentré...



 



Ainsi, après plusieurs mésaventures passées à combattre des chiens suceurs de sang et autres bestioles perverties, Henry est soudainement accompagné d'Eileen dans son voyage interdimensionnel comme Maria rejoignait James dans son périple dans Silent Hill 2. Mais alors que Maria restait sans cesse dans le dos de James sans rien faire, Eileen, elle, suit son voisin de palier sans jamais prendre la tangente face aux plus horribles créatures. La jeune femme peut également être équipée d'une arme et se battre s'il le faut, mais même équipée, celle-ci occupe une place dans l'inventaire d'Henry.



 



À ce stade du jeu, l'appartement 302 est rendu totalement invivable à cause d'apparitions fantomatiques et de la disparition de la régénération automatique. Les objets stockés dans la première partie du jeu et jusqu'alors inutiles deviennent essentiels à cet instant. Malheureusement, cela signifie également encore plus d'allers-retours à effectuer entre les mondes parrallèles et l'appartement puisque le joueur parcourt une nouvelle fois tous les mondes déjà explorés qui, certes un peu modifiés, proposent rarement de nouveaux objets à collecter.



 





Des fantômes prennent progressivement le contrôle de l'appartement 302 et le déforment. Sensation de malaise garantie.



 



La licence de Konami ayant habitué ses fans à démêler des énigmes intelligentes, Silent Hill 4 : The Room propose lui aussi quelques puzzles et autres casse-têtes à résoudre, mais la plupart d'entre eux se basent uniquement sur l'obtention et le dépôt d'objets précédemment récupérés, histoire d'augmenter encore le nombre d'allers-retours entre le 302 et les mondes. Quant aux rares énigmes basées sur l'environnement, comme dans le monde de la prison lacustre, elles sont souvent longues à cause de va-et-vient à faire entre les différents tableaux et de plans de caméra peu enclins à dévoiler les indices nécessaires ou, plus rarement, à cause de champs d'interaction avec les éléments du décor un peu trop milimétrés.



 



Bien qu'immortelle, Eileen voit sa santé mentale baisser à chaque coup reçu, ce qui détermine certaines caractéristiques du combat final qui, selon son terme, activera l'une des quatre séquences de fin. Avec cette mécanique cachée, les différentes fins du jeu peuvent être difficiles d'accès si l'on ne connaît pas les trucs et astuces pour conserver au mieux la santé mentale de la jeune femme. Ces fins peuvent d'ailleurs facilement décevoir le joueur, aussi bien du point de vue scénaristique que du point de vue ludique puisqu'elles ne proposent rien de vraiment gratifiant.



 





Eileen avance lentement et peut donc être facilement abandonnée entre deux temps de chargement. Pendant qu'elle est hors-champ, le joueur peut déblayer tranquillement les zones les plus dangereuses et les dépouiller de leur contenu avant de venir la récupérer. Pratique, même s'il semble manquer d'une option pour donner des ordres à Eileen, ce qui aurait évité... d'autres allers-retours.



 



En plus de ne pas proposer un contenu original, la seconde partie du jeu est dépouillée de cinématiques et semble par conséquent presque anecdotique, comme pour augmenter artificiellement la durée de vie du titre – les critiques faites au précédent opus sur sa faible durée de vie ont pu amener les développeur à faire ce choix logique.



 



Cependant, il est difficile d'en vouloir à ce quatrième épisode car, même s'il est imparfait, il propose une direction artistique impeccable et tente maladroitement d'instaurer des idées neuves pour dynamiser la série tout en conservant son aura singulière. Même présentées avec cette élégance propre à la franchise, les cinématiques sont plutôt rares et l'histoire défile lentement, mais elle prend substance lorsque, impuissant, Henry se retrouve chez lui en espionnant ses voisins, en chassant les mauvais esprits qui veulent visiblement s'y établir, en tentant de décrypter les petits mots qu'il reçoit sous sa porte, etc. Silent Hill 4 : The Room plonge le joueur dans une routine perverse où sa curiosité offre une dimension unique et très appréciable au jeu. Malgré l'aspect très expérimental de la mise en scène qui se ressent jusque dans les mécaniques de gameplay, Silent Hill 4 : The Room est une expérience réussie et audacieuse.



 





 



Jouabilité                13



Malgré les nouvelles mécaniques de jeu qui dynamisent un peu plus les affrontements, le port limité d'objets restreint le joueur et l'oblige à faire beaucoup trop d'allers-retours entre les différents mondes qu'il visite et l'appartement d'Henry. En plus de ça, la caméra est rarement son ami et lui dissimule des items utiles à sa progression – la frustration est au rendez-vous ! Cependant, les phases de jeu dans le 302, qui ne demandent presque rien au joueur, offrent un panel d'émotions bienvenues grâce à une mise en scène menée par ses quelques actions : on est dérangé en espionnant ses voisins, dégoûté par certaines apparitions spectrales qui font naître un sentiment de méfiance grandissant, etc.



Graphismes                16



Les modèles 3D des personnages sont sublimes, la très grande majorité des idées visuelles et esthétiques sont aussi succulentes qu'infâmes (ce qui est positif dans ce cas de figure) et les décors sont bien travaillés dans l'ensemble. La vue subjective, qui crée très bien le sentiment de malaise et d'étouffement chez le joueur – principalement dans la seconde partie du jeu, nous dévoile cependant un aliasing assez présent dans l'appartement – un symptôme dont "souffre" la plupart des jeux sortis sur PlayStation 2.



Bande Son                18



Akira Yamaoka nous délivre une nouvelle preuve de son talent : hormis quelques bruits étranges provoqués par certains monstres et un voice acting médiocre (malgré un bon casting), le sound design est presque impeccable et les musiques sont tout simplement superbes. Les paroles de chaque chanson offrent une nouvelle dimension fort appréciable au scénario plutôt cryptique.



Duréé de vie                13



En comptant les nombreux allers et retours effectués entre l'appartement 302 et les mondes, il faut une douzaine d'heures pour espérer finir le jeu une première fois. La seconde partie du jeu étant composée de décors déjà visités et les quatre séquences de fins étant plutôt décevantes et difficiles à atteindre si on ne sait pas comment gérer la santé mentale d'Eileen, rien ne semble encourager le joueur lambda à vouloir refaire le jeu ou à l'explorer davantage. Dommage.



Scénario               17



Malgré une seconde partie un peu en retrait, l'histoire de Silent Hill 4 : The Room est intéressante et intrigante de bout en bout : elle arrive à fusionner horreur et enquête assez habilement grâce à des éléments scénaristiques précédemment utilisés ou mentionnés dans les anciens volets de la franchise, ainsi qu'à une mise en scène implantée dans les phases de jeu. Grâce à la direction artistique quasi irréprochable du titre, les sensations de malaise et d'étouffement sont très bien rendues et servent à donner de la profondeur aux personnages et aux évènements qui se déroulent sous les yeux du joueur. Compositeur de talent, Akira Yamaoka tente de nouvelles approches scénaristiques admirables, notamment via la musique – son terrain de jeu favori : les chansons ont un rôle important dans la compréhension et l'interprétation du scénario. Seul véritable point noir à relever : les différentes fins, un peu faciles et qui peuvent décevoir.



 



Les + :





  • L'atmosphère oppressante




  • La direction artistique, superbe et audacieuse




  • La dynamisation des affrontements



    Les - :




  • Les ALLERS-RETOURS !




  • Les mauvais angles de caméra




  • La deuxième partie du jeu assez vide





 



Conclusion



Ludiquement et artistiquement expérimental, Silent Hill 4 : The Room tente de renouveler la franchise avec une narration intelligemment menée par les différents éléments que proposent le medium (bande son, gameplay, cinématiques, etc.) afin d'offrir un spectacle dérangeant et angoissant – ce qu'il réussit horriblement bien. Audacieux mais non sans défaut, Silent Hill 4 : The Room est une expérience à part, aussi bien dans la série que dans le monde du jeu vidéo.



 



Note générale                15



 



 


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