[Review] The Missing : J.J. Macfield and the Island of Memories – L'horreur sous une autre forme

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Greed Lavare
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[Review] The Missing : J.J. Macfield and the Island of Memories – L'horreur sous une autre forme

Message par Greed Lavare »

Pour Halloween, il est de coutume pour les fans de jeux vidéo et les sites spécialisés dans le milieu de parler des œuvres fondatrices du survival horror, genre éminent de ce que le grand public appelle des jeux d'horreur. Pourtant, certains titres démontrent que l'horreur peut être plus subtile et plus viscérale que dans ces jeux acclamés par la foule et les médias, où l'angoisse naît de restrictions (inventaire limité, level-design claustrophobique, petite palette de mouvements...) plus que de l'affrontement contre des monstres. Ainsi, Hidetaka "SWERY" Suehiro, réalisateur du très bon survival horror en monde ouvert Deadly Premonition, proposait en octobre 2018 sur Xbox One, PlayStation 4, Nintendo Switch et PC une nouvelle vision de l'horreur psychologique avec The Missing : J.J. Macfield and the Island of Memories, le premier jeu de plateformes et de puzzles du monsieur mais aussi le premier titre de White Owls, son studio de développement. Pourtant publié par le célèbre éditeur Arc System Works, alors confiant envers le projet de SWERYThe Missing n'a toutefois pas fait grand bruit à sa sortie, la faute à une communication très discrète et à un gameplay à première vue assez peu surprenant. Néanmoins, "ce jeu qui a été créé avec la conviction que personne n'a tort d'être ce qu'il est" aborde des sujets sensibles et propose une face plus sombre que son introduction mièvre souhaite nous faire croire. Oui, pour Halloween, ConsoleFun.FR va vous parler de coups de foudre et de pertes.



 











N.B. : The Missing : J.J. Macfield and the Island of the Memories ne dispose pas de traduction française, d'où les textes en anglais sur les captures d'écran.


 



 



 



À la recherche d'une bonne idée



 



 



Jackie Jameson Macfield, aussi appelée J.J. par ses proches, quitte les côtes du Maine avec sa meilleure amie Emily Thompson pour des vacances de rêves sur la Memoria Island, une île lointaine d'Amérique du Nord que ses anciens habitants nommaient "A' Lapo Grymo" qui signifie dans leur langue oubliée "un endroit pour retrouver ce qui a été perdu". Sous le ciel scintillant d'une nuit d'été, les deux filles avouent leurs sentiments amoureux l'une pour l'autre avant de s'embrasser au coin du feu et de dormir à la belle étoile. Mais dans la nuit, l'orage qui s'approche réveille J.J. qui, à sa grande surprise, se retrouve seule dans le camp. Serrant son doudou contre sa poitrine, la jeune femme prend son courage à deux mains et part à la recherche de celle qu'elle aime, s'engouffrant plus pronfondément dans un décor insulaire de moins en moins rassurant.



 



Le jeu commence ici : on déplace J.J. de gauche à droite, on saute sur des plateformes, on s'accroche automatiquement aux rebords et aux cordes suspendues, on s'accroupie et s'allonge dans la boue, on ramasse des donuts (les principaux collectables du jeu) et on appelle désespérement (et vainement) Emily ou n'importe qui d'autre se trouvant dans les environs en appuyant sur le bouton d'action qui, outre le fait de faire parler J.J. inutilement la plupart du temps, permet d'actionner des interrupteurs, ainsi que de déplacer ou de ramasser des objets. Rapidement domptées, la lenteur du personnage et l'inertie de ses mouvements indiquent que le jeu va se centrer sur des puzzles à résoudre, mais jusqu'ici, le sentiment d'accomplissement est plutôt minime : malgré le level design plus que correct, on progresse sans se soucier de rien, sinon de la situation des deux filles séparées.



 



Pour avancer, il est parfois nécessaire de jeter des petits objets sur des éléments du décor, comme ici, un caillou sur une lanterne afin qu'elle tombe et s'éclate sur les racines bouchant l'entrée. Attention aux flammes...



 



En dépit de l'aspect technique de The Missing conjuguant principalement scintillements, anti-aliasing et ralentissements sévères lorsqu'une nouvelle zone charge, les décors traversés sont assez agréables à l'œil, particulièrement grâce à un sens de la composition visuelle impeccable. Pour que le joueur profite un maximum des paysages et de la construction des niveaux (afin qu'il comprenne rapidement les obstacles qui l'attendent et qu'il avance de manière fluide et naturelle), la caméra est logiquement assez éloignée de J.J.. Pertinent, ce choix de game design nous empêche toutefois d'apprécier les détails apportés aux modèles des personnages dont l'esthétique semble d'aussi loin épurée au possible, pour un effet de style somme toute plaisant à voir.



 



Cette introduction sans prétention promet une aventure empreinte de mélancolie, avec un gameplay simple, mou mais suffisamment accrocheur pour que l'on daigne continuer quelques minutes de plus et chercher une quelconque originalité au jeu. Puis, rapidement, le titre de White Owls révèle sa véritable nature, un surprenant relent de sincérité teinté de violence offrant une mécanique inédite et originale servant de cœur au jeu — il s'agit presque d'un spoil pour quiconque souhaite vivre pleinement l'étonnante expérience "The Missing".



 



On apprend à connaître J.J. à travers les SMS qu'elle envoie régulièrement à F.K., sa peluche, et d'anciennes discussions que l'on débloque en ramassant les donuts éparpillés dans les décors du jeu. Même si cette technique de narration débouche d'une certaine facilité scénaristique et d'un manque de moyen évident, elle fonctionne.



 



 



 



Le rêve de petits oiseaux mourants



 



 



Sur le chemin, alors que le temps se gâte méchamment, J.J. est foudroyée au milieu d'un champ fleuri. Sa chair brûle et ses cris résonnent parmi les crépitements des fleurs enflammées, mais la jeune femme ne meurt pas : son corps se reconstitue à une vitesse ahurissante, et avant de saisir ce qui lui arrive vraiment et de poursuivre sa quête, elle sanglote à chaudes larmes — une scène déconcertante qu'une mise en scène simple et efficace rend poignante.



 



Les routes sont désormais beaucoup moins sûres, et à force d'éviter le danger et de rester bloqué, le joueur comprend qu'il n'a désormais plus le choix : il est obligé de mutiler la pauvre demoiselle pour traverser certains passages. Par exemple, pour emprunter un conduit étriqué, J.J. doit perdre en épaisseur, alors on la fait sauter dans des barbelés acérés ou une scie circulaire pour que ses membres se déchiquetent et réduisent sa corpulence de moitié. La voix de J.J. est alors altérée par la douleur, elle ne bouge plus normalement, son sang abonde le sol... Malgré la censure opérée sur le corps déchiré de l'héroïne (sang blanc et silhouette noire), l'expérience est malaisante, et il faut la réitérer sans cesse de façons différentes afin de trouver une solution aux casse-têtes imposés.



 



Les chocs puissants ne retournent pas que la tête de J.J., mais aussi le niveau tout entier !



 



La résolution des puzzles se fait généralement par le biais de la satisfaisante physique du jeu (un bras coupé peut servir de projectile ou de poids pour abaisser un mécanisme, etc.). Pour faciliter les expérimentations, une touche est dédiée à la régénération corporelle de J.J., mais il est important de noter que la demoiselle tourmentée ne peut soigner qu'un seul de ses maux à la fois. Ainsi, si elle est démembrée et brûlée, elle éteindra premièrement les flammes, c'est-à-dire l'état lui permettant certainement de résoudre un casse-tête. De ce fait, les puzzles peuvent parfois demander plusieurs essais pour être surmontés.



 



Même s'il lui est difficile de trouver l'ultime rédemption, J.J. peut mourir lorsqu'elle enchaîne certains état (s'il ne reste d'elle que sa tête, elle décèdera au moindre heurt). Les game over étant rares et le jeu relativement aisé malgré l'intelligence de son level design, on pourrait s'attendre à ce que les points de contrôle soient généreusement fréquents, mais que nenni : une fois mort, on recommence la séquence de jeu dans son entièreté — la punition est sévère.



 



J.J. réagit lorsqu'un danger est trop proche d'elle — un détail qui rend les châtiments que le joueur lui inflige plus horribles encore...



 



The Missing n'a pas le temps d'être répétitif de par sa courte durée de vie (il faut entre cinq et six heures pour le terminer en ligne droite) et ses quelques variations de gameplay, notamment les courses-poursuites, des phases de jeu angoissantes où J.J. est pourchassée par une menaçante créature. Hormis pour son histoire et les bonus post-crédits, la rejouabilité de The Missing est malheureusement limitée à l'obtention de collectables.



 



Cependant, malgré l'attrait réduit de retourner sur le jeu après l'avoir fini, le titre de White Owls laisse une marque indélébile dans le cœur des joueurs : The Missing : J.J. Macfield and the Island of Memories est assurément une expérience mémorable. Plus qu'une simple mécanique, la mutilation est à l'évidence un sujet ancré dans le scénario du jeu qui prend un tout autre sens une fois les mésaventures de J.J. terminées. Les thèmes abordés, qui ne touchent pas uniquement la dépression et ses atroces conséquences, sont traités avec sérieux et sincérité, et bien que la mise en scène soit souvent restreinte, les enjeux scénaristiques et la profondeur des personnages — tous deux à échelle humaine — suffisent à toucher et à motiver le joueur à continuer son séjour à A' Lapo Grymo.



 



En ramassant suffisamment de donuts, on déverrouille quelques bonus, notamment des illustrations et des concept arts soignés, dont celui-ci qui dévoile une très probable feature abandonnée.



 



 





 



Jouabilité                14



La lourdeur du personnage n'est jamais un problème et elle est excusée par le côté horrifique du jeu. Les contrôles sont intuitifs et réactifs, et la construction des niveaux et des puzzles est intelligente — la progression du joueur est toujours fluide. Le système de démembrement constitue le cœur du jeu : il est original, bien amené et il arrive à être amusant... si on oublie les cris de notre pauvre J.J...



Graphismes                13



La direction artistique soignée permet d'oublier les graphismes assez sommaires de The Missing. Il est néanmoins plus difficile de pardonner ses ralentissements et ses freezes...



Bande Son                13



Malgré une performance globalement correcte de leur part, les comédiens de doublage ne sont pas toujours pleinement impliqués dans leur rôle, mais les sanglots de J.J. resteront certainement gravés dans la mémoire de beaucoup de joueurs... On peut pointer du doigt le fait qu'il soit parfois possible de faire parler J.J. (en appuyant sur la touche d'action) en même temps qu'elle hurle de douleur... Enfin, les musiques du jeu sont particulièrement réussies et nous plongent sans difficulté dans l'ambiance si singulière du jeu. Mention spéciale au thème chantée "The Missing".



Duréé de vie                12



Le titre de White Owls se termine entre cinq et six heures de jeu, mais comptez plutôt entre sept et dix heures pour le compléter à 100%, même si ce temps de jeu supplémentaire se résume uniquement à ramasser des collectables (les petits bonus à la clé sont toutefois assez satisfaisants). Cependant, il est bon de préciser que The Missing dure suffisamment longtemps pour ne pas être lassant — le jeu sait quand s'arrêter.



Scénario               15



Même si l'histoire de The Missing est approfondie à travers les discussions téléphoniques de J.J., les thèmes abordés sont importants et traités avec justesse et sympathie, les personnages sont attachants et les mystères entourant J.J. sont aussi prenants que sa situation extraordinaire. Du début à la fin, The Missing est poignant et humain.

 



 



Les + :





  • Les démembrements




  • Scénaristiquement et ludiquement poignant




  • Un bon level design





Les - :





  • Des problèmes techniques




  • Assez daté visuellement




  • La fréquence des checkpoints





 



Conclusion



Dans la majorité des jeux d'horreur, ce sont les environnements qui angoissent le joueur et les monstres qui l'effraient, car ceux-ci peuvent déchiqueter son avatar et provoquer une fin de partie imminente. Dans The Missing : J.J. Macfield and the Island of Memories, les seules personnalités capables de faire souffrir l'avatar du joueur sont l'avatar et le joueur eux-mêmes. Le système de démembrement permet un réel attachement au personnage principal, et c'est certainement de là que l'œuvre de SWERY puise sa force : rarement un jeu vidéo n'aura réussi à provoquer simultanément chez le joueur dégoût, terreur et espoir par le biais d'interactions basiques avec le personnage qu'il incarne.

Bien qu'imparfait sur la forme, The Missing : J.J. Macfield and the Island of Memories livre des messages importants baignés dans un étrange mélange de tendresse et de violence — une expérience incontestablement inoubliable.



 



Note générale                16



 



 



 












Le saviez-vous ?



 



Si les réalisations de SWERY sont connues pour être techniquement faiblardes et mal optimisées, le directeur de White Owls a souhaité inaugurer son nouveau studio en produisant un bon jeu... sans savoir comment s'y prendre réellement ! Pour se faire, il a essayé de se souvenir du développement de Deadly Premonition qu'il sait être un bon jeu. Ainsi, la Memoria Island de The Missing : J.J. Macfield and the Island of Memories peut être perçue comme la représentation symbolique du lieu où sont éparpillés les souvenirs lointains du réalisateur, et la démarche "blesser, perdre, guérir, retrouver" comme son leitmotiv.




 


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MetalHound
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Message par MetalHound »

Et pour compléter l'encadré "Le saviez-vous ?", il faut savoir que Swery a grandi avec beaucoup de jeux de plateformes (Other World, Prince of Persia, etc...) et il voulait faire un jeu de ce genre lorsqu'il a débuté dans le milieu. Malheureusement, le coche était passé et les jeux de plateformes n'étaient plus à la "mode" à ce moment-là, faute de quoi il sera privé d'en faire jusqu'à ce qu'il prenne son indépendance en 2016 avec son nouveau studio : White Owl.

Les jeux de plateformes 2D faisant à nouveau leur apparition à partir de 2010 avec des jeux comme Limbo ou encore plus tard Ori : and the Blind Forest, Swery fera une demande directe au directeur d'Arc System Works (un ami à lui) de faire une collaboration avec lui pour son projet, avec cette envie de réaliser un jeu de plateforme. Le rêve et les inspirations de son enfance se réalisent enfin, le tout fait en bonne compagnie et sans une quelconque restriction.
Ainsi naquit The Missing : J.J Macfield and the Island of Memories.
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Re: Re

Message par attari333 »

MetalHound a écrit : 31 octobre 2022, 17:59 Et pour compléter l'encadré "Le saviez-vous ?", il faut savoir que Swery a grandi avec beaucoup de jeux de plateformes (Other World, Prince of Persia, etc...) et il voulait faire un jeu de ce genre lorsqu'il a débuté dans le milieu. Malheureusement, le coche était passé et les jeux de plateformes n'étaient plus à la "mode" à ce moment-là, faute de quoi il sera privé d'en faire jusqu'à ce qu'il prenne son indépendance en 2016 avec son nouveau studio : White Owl.

Les jeux de plateformes 2D faisant à nouveau leur apparition à partir de 2010 avec des jeux comme Limbo ou encore plus tard Ori : and the Blind Forest, Swery fera une demande directe au directeur d'Arc System Works (un ami à lui) de faire une collaboration avec lui pour son projet, avec cette envie de réaliser un jeu de plateforme. Le rêve et les inspirations de son enfance se réalisent enfin, le tout fait en bonne compagnie et sans une quelconque restriction.
Ainsi naquit The Missing : J.J Macfield and the Island of Memories.
ça a l'air sympa ! je vais tester je pense...
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