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[Chronique cinéma] Ghost in the Shell ou le mal nécessaire

Publié : 06 mai 2017, 22:45
par Dronfax
Sorti le 29 mars 2017, Ghost in the Shell est une adaptation en live-action (à comprendre "avec de vrais acteurs") du manga culte de Masamune Shirow. Constamment poursuivi par une polémique autour du rôle principal et ce depuis la révélation de la première photo du film (le Major Kusanagi héroïne du manga étant jouée par Scarlett Johansson) Ghost in the Shell avait à peu près tout de la mauvaise idée, la promotion du film se donnant presque à cœur joie de prouver que quelque chose n'allait pas dans cette adaptation.

De l'absolu whitewashing du film à l'horrible remix du thème par un Steve Aoki en manque d'inspiration, il n'est pas osé de dire que cette promotion a été pour le moins mouvementée. Et malgré le "forcing" intensif d'une Paramount tentant de prouver qu'elle avait bien l'aval d'Oshii (réalisateur des deux premiers films animé) et de convaincre le monde entier que "Non, Scarlett Johansson qui joue le Major ce n'est pas du whitewashing parce que...", c'est donc dans une atmosphère presque hostile que Ghost in the Shell est finalement sorti sur grand écran.







Pour ce nouveau GitS, léger changement de scénario. Le Major ici renommée Mira Killian a été créée par la société Hanka, une société dont le but avoué et dévoilé dès le prologue du film est d'en faire une arme. Effectivement, et à la manière de l’œuvre originelle, le Major est majoritairement cyborg, puisque seul son cerveau reste encore humain. Placée au sein de la Section 9, une unité antiterroriste d'élite, celle-ci va se mettre à avoir des doutes sur son passé et divers événements, dont l'apparition d'un mystérieux hacker, ce qui va la pousser à chercher à découvrir qui elle est réellement.

Soyons franc, de tout ce qui compose ce Ghost in the Shell, le scénario est certainement la chose la plus problématique. La première chose qui frappe est l'absence, ou du moins la mise au second plan, de tous les thèmes philosophiques qui faisaient le sel de l’œuvre originale. De manière générale, on sent une volonté de simplifier Ghost in the Shell pour lui permettre d'attirer le grand public. Malheureusement cela se traduit par un scénario bien plus classique puisque reprenant le grand cliché de l’héroïne amnésique à la recherche de son passé ainsi qu'une suppression pure et simple des trop longues réflexions sur la relation homme-machine.





Malgré une photographie lechée et une ambiance cyberpunk réussie, Ghost in the Shell ne tient pas



Mais pourtant, tout en rejetant quelque peu sa filiation, Rupert Sanders va faire de constantes références aux œuvres précédentes (surtout les deux premiers films en réalité) au point que de nombreux plans font directement écho à des plans des deux films d'Oshii, quand ce ne sont pas des scènes entières qui sont directement tirées de ces mêmes films. Et malgré la photographie impeccable du long-métrage il est difficile de ne pas tiquer à la vue d'un film qui semble vouloir raconter une histoire originale tout en référençant constamment ceux qui sont venus avant lui. 

En réalité cela témoigne d'une volonté qui transparaît à travers tout le film, sa production et même sa promotion : celle de vouloir faire un film de fan grand public. Ghost in the Shell cherche très clairement à amener le grand public à la licence, mais conscient qu'il ne pourra se passer des plus passionnés (on parle ici d'une œuvre culte) il ne cesse de faire des appels du pied aux fans. C'est ce qui explique le scénario ultra-classique du film, contrastant avec le fait que peut-être plus de 60% de ces plans soient tirés des deux premiers, c'est ce qui explique aussi le choix de mettre Scarlett Johansson dans le rôle principal, une actrice célèbre qui pourra parler au plus grand nombre, aux cotés de Takeshi Kitano (qui joue ici Aramagi, directeur de la Section 9), acteur-réalisateur qui ne parlera pas forcément à tout le monde mais semble être un clin d’œil vers un public d'intéressés par le cinéma japonais.

Et si le film se révèle être dans un équilibre instable pendant près d'1h40, tout s'écroule dans ses 20 dernières minutes, durant lesquelles sont finalement faites les révélations sur le passé du Major. Des révélations qui loin d'être particulièrement inattendues, se révèlent être la preuve du je-m'en-foutisme de la production. Ce rebondissement final semble d'ailleurs donner au film un message "anti-whitewashing" absolument répugnant en plus d'être hypocrite.





Preuve de cet étrange appel du pied, Takeshi Kitano n'est pas doublé et se trouve donc être le seul personnage à parler japonais



Ghost in the Shell est un échec qui ne réussit ni en tant que film de fan ni en tant que film grand public tant le grand écart qu'il instaure entre ses deux aspects l'empêche de réellement s'affirmer. Le whitewashing du film, ridiculement justifié non seulement par l'actrice principale mais également par le réalisateur, prouve que les minorités ont encore des combats à mener pour être représentées à Hollywood, et se dévoile comme un ultime bras d'honneur aux fans et acteur/rices asiatiques. Tout cela rend l'échec du film non seulement souhaitable mais nécessaire, et se révélera peut être comme la prise de conscience par les studios que la représentation des minorités au cinéma est une problématique importante qui ne peut être balayée d'un revers de teaser.

Au final, il apparaît que Ghost in the Shell avait le potentiel d’être une adaptation intéressante mais chaque décision prise par la production semble avoir été faite dans le seul but de flinguer le projet... Et bien voilà enfin quelque chose de réussi.